Peut-on mesurer le potentiel d'apprentissage ?
Mesurer la créativité, l’intelligence émotionnelle ou la motivation est déjà un exercice délicat. Alors, peut-on réellement mesurer le potentiel d’apprentissage, cette compétence devenue clé dans les discours managériaux et RH ? Derrière la formule, les sciences cognitives apportent des éclairages essentiels. Car si l’on veut dépasser le slogan pour aller vers une évaluation rigoureuse, il faut comprendre ce qui se joue dans le cerveau lorsqu’un individu apprend, et comment ces mécanismes peuvent être traduits en indicateurs fiables.
La capacité cognitive : le socle du potentiel
Apprendre, ce n’est pas seulement accumuler de nouvelles connaissances, c’est surtout savoir les traiter en temps réel. C’est là qu’intervient la mémoire de travail : cette capacité à maintenir et manipuler temporairement des informations. Elle agit comme un « tableau blanc » mental. Lorsqu’un collaborateur lit un nouveau rapport, suit une formation ou découvre un outil digital, sa mémoire de travail lui permet d’intégrer ces éléments pour les comparer, les relier, les hiérarchiser.
Les recherches en psychologie cognitive montrent un lien direct entre la performance de la mémoire de travail et la rapidité d’apprentissage. Mais attention : la mémoire de travail ne suffit pas à résumer l’ensemble du potentiel. Une étude (Gray et al., 2022) montre qu’elle explique 45 % de la variance dans l’apprentissage phonologique et 17 % dans l’apprentissage sémantique, au-delà du vocabulaire exprimé ou du QI non verbal. Elle constitue donc un pilier indispensable, mais non exclusif.
Autre levier central : la flexibilité cognitive. C’est la capacité à abandonner une stratégie inefficace pour en tester une autre. Dans les sciences cognitives, on parle de « set shifting », c’est-à-dire la faculté de changer de cadre mental. Prenons l’exemple d’un manager qui pilote un projet avec des méthodes classiques, puis doit basculer vers une logique agile. Ceux qui apprennent vite sont capables de réorganiser leurs schémas d’action, d’adopter de nouvelles règles et d’intégrer de nouveaux signaux. Cette flexibilité est l’un des meilleurs prédicteurs de la capacité cognitive, et donc du potentiel d’apprentissage.
Le potentiel : bien plus que le cognitif
La capacité cognitive est nécessaire, mais non suffisante. Le potentiel d’apprentissage inclut aussi des dimensions comportementales et motivationnelles, identifiées dans la littérature et reprises dans le modèle d’Illeris (2003, 2004)
- L’envie d’apprendre : issue de la motivation intrinsèque (Deci & Ryan, 1985), de la curiosité épistémique (Litman, 2005) et du growth mindset (Dweck, 2006). C’est le plaisir de comprendre et l’élan pour apprendre sans y être obligé.
- L’autonomie dans l’apprentissage : capacité à s’auto-réguler (Zimmerman, 2000) et à s’engager dans un apprentissage autodirigé (Candy, 1991). Un collaborateur autonome explore un nouvel outil avant même une formation officielle.
- La constance dans l’apprentissage : persévérance et régulation motivationnelle (Duckworth, 2007 ; Rothbart & Bates, 2006 ; Boekaerts, 1999). C’est la discipline quotidienne qui permet de progresser même quand l’enthousiasme s’érode.
Ces trois leviers complètent la capacité cognitive et transforment un savoir-faire ponctuel en un véritable potentiel évolutif. Vous souhaitez recruter sur le potentiel d’apprentissage ? Découvrez notre article dédié àl’évaluation de la capacité d’apprentissage.
Les biais à éviter dans l'évaluation
Mesurer le potentiel d’apprentissage exige de dépasser les tests académiques classiques.
- Auto-questionnaires limités : ils reflètent surtout l’image que l’individu veut donner de lui-même, et sont sensibles aux biais de désirabilité sociale.
- Confusion expertise / potentiel : un expert chevronné peut sembler très « capable », alors qu’il maîtrise surtout des schémas acquis. À l’inverse, un profil junior curieux et persévérant peut avoir un potentiel d’évolution supérieur.
La recherche organisationnelle (Edmondson, 2018) rappelle également que le potentiel n’est pas absolu : il ne s’exprime que dans un environnement où l’erreur est autorisée et où la sécurité psychologique favorise l’expérimentation.
Les leviers fiables pour une évaluation rigoureuse
Les sciences cognitives proposent plusieurs pistes méthodologiques :
- Tests de mise en situation : confrontés à un problème inédit, les individus révèlent leur tolérance à l’incertitude, leur capacité d’ajustement et leur stratégie d’apprentissage.
- Analyse du raisonnement : au-delà d’un score final, on observe le chemin emprunté. Quelles hypothèses ont été formulées ? Comment ont-elles été testées ? L’accent est mis sur la logique et la flexibilité du raisonnement, plutôt que sur la simple performance.
- Approches combinées : des évaluations intégrant capacités cognitives, motivation, autonomie et constance – comme le propose le modèle en quatre dimensions issu de la R&D PerformanSe – offrent une mesure plus complète et exploitable.
Vers une mesure responsable et utile
La tentation est grande de transformer le potentiel d’apprentissage en un nouveau score figé. Mais ce serait un contresens : ce que l’on mesure n’est pas un capital stable, mais une dynamique. L’évaluation doit donc être pensée comme un outil de développement, et non comme un simple filtre de recrutement.
Dans un processus responsable, mesurer le potentiel d’apprentissage revient à ouvrir un espace de dialogue : comment un collaborateur apprend-il ? Dans quel environnement s’épanouit-il le mieux ? Comment accompagner cette aptitude pour en faire un levier de performance collective ?
...de la mesure au développement
En définitive, oui, on peut mesurer le potentiel d’apprentissage, à condition de reconnaître qu’il repose sur plusieurs dimensions. La capacité cognitive en constitue le socle, observable et rigoureux, mais elle doit être articulée avec des dimensions comportementales comme l’envie, la persévérance ou la curiosité.
L’enjeu n’est pas seulement de détecter qui « sait apprendre », mais surtout de créer les conditions pour que chacun continue à apprendre et à évoluer.
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